Elia, la passeuse d’âmes, de Marie Vareille
Elia a 16 ans, elle appartient à la caste la plus élevée d’une société injuste où une partie de la population, les Nosobas, est réduite en esclavage par les plus puissants. Elle officie en tant que Passeuse d’âmes, c’est-à-dire qu’elle euthanasie tous ceux qui sont dangereux ou inutiles pour la Communauté, jusqu’au jour où un jeune homme la convainc de le laisser vivre. À partir de ce moment-là, parce qu’elle n’a pas obéi aux ordres, elle sera condamnée et devra s’enfuir et se cacher parmi les Nosobas, ce qui fera changer son regard sur le monde dans lequel elle vit.
Nbr de pages : 320 / Éditeur : PKJ
Mon avis
Je ne me serais peut-être pas retournée sur ce livre, si je ne l’avais pas eu sous la main lors d’une de mes pauses midi. Et grand (très grand) mal m’en aurait pris car j’ai adoré cette histoire ! Je n’aime pas trop les comparaisons, mais pour moi, il a tout à fait sa place parmi les grands du genre, parmi les dystopies qui marquent vraiment, qui font vraiment réfléchir tout en restant assez subtiles pour se fondre dans un cadre hors du temps, dans un univers taillé de toutes pièces avec originalité. J’ai retrouvé les mêmes émotions et la même addiction ressenties lors de mes lectures de Hunger Games ou Divergent, et pour moi, ça veut déjà tout dire ! (Bref, je viens de faire ce que je n’aime pas faire, mais c’est pour que vous sachiez l’ampleur de mon enthousiasme.)
On retrouve bien sûr les canevas du genre, avec des castes, des dirigeants qui s’en foutent plein la panse pendant que d’autres triment dans les mines 7 jours sur 7 pour contenter le beau monde, on se prend en pleine figure les injustices d’un régime aberrant, et au milieu de tout ça, va naître une héroïne, une jeune femme pas comme les autres, qui va petit à petit ouvrir les yeux sur son quotidien. Rien de bien nouveau sous le soleil, allez-vous me dire… Mais ça fonctionne diablement bien et on oublie tout ce qu’on a déjà pu lire pour se laisser porter par Elia et par son univers. Et pour changer des dystopies ou YA traditionnels, ici on ne retrouve quasiment pas de romance et ça ne fait pas de mal, laissant plus de place à l’univers, à l’action et à l’ambiance.
J’ai vraiment tout aimé dans cette histoire, mais par-dessus tout, c’est l’univers qui m’a séduite. Un univers finement décrit et totalement immersif qui a d’ailleurs donné du fil à retordre à l’auteure (voir interview ci-dessous) ! Moi, je lui tire mon chapeau. Et voici un aperçu des découvertes qui vous attendent : dans ce monde imaginaire, on croise les puissants Kornésiens, les Askaris qui s’occupent du commerce et les Nosobas, marqués d’un grand N sur le bras pour qu’on repère d’un seul coup d’œil les rebuts de la société. On peut y devenir Passeur d’âmes, ces « médecins » qui, sans état d’âme, euthanasie toutes les personnes qui ne sont plus utiles à la communauté (les vieux, les infirmes, les dangereux, etc.). On peut s’engager au Conclusar, qui forme les Défenseurs ou travailler comme un forcené dans les mines de Phosnium, la nouvelle énergie du siècle. On peut facilement s’acheter de la Redmoon, cette drogue supposée augmenter les capacités physiques. On peut vivre comme un miséreux dans le Dédale, cette ville souterraine pleine de ramifications où peu savent s’y repérer. Bref, Marie Vareille a créé tout un décor pour ses personnages et on le découvre avec merveille.
Règle 1 : les êtres humain ne naissent pas libres et égaux en dignité et en droit. Chacun a pour devoir envers la communauté de respecter sans la questionner, la place qui lui est attribuée en fonction de sa naissance. […]
Règle 2 : la communauté est tout, l’individu n’est rien. Il ne sert qu’à faire prospérer la société dans son ensemble. Chacun a été créé pour une raison. […]
Règle 3 : l’ordre est l’essence du bonheur. Le respect absolu des règles est la base du bien commun, tout écart des commandements d’Hubohn représente un pas vers la destruction de la communauté et sera puni comme tel. […]
Règle 4 : pour éviter la propagation de maladies impures au sein des castes supérieures, tout contact physique entre deux membres de classes différentes est strictement interdit.
D’ailleurs, ce roman est très visuel : on vit chaque scène dans sa tête comme si on y était, tant les descriptions des lieux sont vivantes, tant les personnages sont crédibles. J’imagine aisément ce livre devenir un nouveau succès cinématographique, après la case best-seller en librairie. En tout cas, c’est tout ce que je lui souhaite (ou alors, je garde ce petit coup de cœur rien que pour moi, j’hésite encore).
Je pensais avoir affaire à un tome unique et je me disais que c’était une bonne chose, que ça changeait. Et puis j’avançais dans l’histoire et je pestais déjà de voir l’histoire toucher à sa fin trop vite, j’en voulais encore, j’imaginais déjà une terrible et longue destinée pour Elia. Et là je me rends compte sur le net qu’en fait, oui, ce sera une trilogie. Joie ! Le roman se termine de très jolie façon et on ne peut s’empêcher de retourner lire le premier chapitre qui nous annonçait déjà cet ultime revirement de situation. Je suis donc ravie de savoir que je pourrai retrouver Elia dans un an et que son histoire est loin d’être finie. En plus, le prochain tome risque d’être des plus palpitants, étant donné le futur changement de cadre ! J’ai déjà hâte !
Ma note : 9,5/10
Extras
Première publication : mai 2016
Fiche Bibliomania
Marie Vareille est née en 1985 et tient un très chouette site, où elle dispense de nombreux bons conseils liés à l’écriture.
Interview de Marie Vareille ici :
L’univers développé dans Elia est très creusé. Où avez-vous puisé votre inspiration pour le construire et le rendre si palpable et crédible ?
L’univers est ce qui ma donné le plus de fil à retordre. Jusqu’ici je n’avais écrit que des romans contemporains et je n’avais jamais imaginé que ce serait aussi complexe de créer un univers imaginaire et pourtant j’ai adoré l’exercice. C’est bête, mais dans un roman contemporain, c’est facile de rendre une scène visuelle, qu’on la situe dans une soirée, un café à un cours de gym ou dans un supermarché, le lecteur visualise tout de suite l’environnement car ce sont des endroits qui font partie de son quotidien. Dans un nouvel univers, il faut tout réinventer, depuis les vêtements, jusqu’au matériaux de construction en passant par la nourriture, les cours enseignés à l’école, les moyens de transports, de communiquer, la monnaie, les lois etc. Pour tous les éléments je suis partie de la réalité.
Comment est née Elia ?
À Châtelet-Les Halles à une heure du matin, j’ai croisé une toute jeune fille qui marchait d’un pas vif, la tête rentrée dans les épaules, comme si elle fuyait. Elle portait un bonnet qui dissimulait complètement ses cheveux à l’exception de quelques mèches rousses. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a interpellée. Je me suis demandée où elle allait, j’ai commencé à m’imaginer qu’elle sortait d’une clinique où on euthanasiait les gens, qu’on l’appelait la Passeuse d’âmes et qu’elle était obligée de se cacher parce qu’elle était rousse… C’est une habitude pour moi de commencer perpétuellement des histoires en fonction des lieux ou des gens que je croise, la plupart n’ont jamais de suite, mais quand une histoire se rappelle plusieurs fois à mon souvenir, c’est qu’il faut que je l’écrive.
Publié le 26/05/2016, dans Coup de coeur, Dystopie, Jeunesse, et tagué Castes, Littérature française, Mines, Pauvreté, Racisme, Suprématie. Bookmarquez ce permalien. 7 Commentaires.
Une excellente lecture ! Presque un coup de cœur pour celui-ci :). Il faudrait que je lise ce qu’elle a fait précédemment !
A chaque fois je je rentre dans une librairie, ce livre me fait de l’oeil, et pourtant, je n’ai pas encore sauter le pas de l’acheter … Je crois que c’est couverture dessinée qui me bloque un peu, elle me rappelle mes sagas d’enfance et du coup j’ai peut-être peur que ce soit trop jeunesse … (je sais c’est nul comme préjugé xD)
Mais ta chronique me fait vraiment envie!! Le fait qu’il n’y ait pas de romance mise en avant, que tu le compare un peu à Hunger Games et Divertgent et qu’il y ait un super univers me tente bien maintenant!! ^^
Laisse-toi tenter !! Moi aussi je n’accrochais pas à la couverture, et le résumé me semblait assez bateau et finalement, j’ai bien fait de lui donner sa chance. Vu tes goûts, je pense vraiment qu’il pourrait te plaire 🙂
Ça a l’air sympa ! Je me laisserais peut être tenter, si j’en ai l’occasion !
Je sais déjà que j’aime la plume de Marie Vareille et ce premier tome me donne envie mais j’ai envie d’être raisonnable et d’attendre que la suite sorte 🙂
Ah tiens, moi je n’avais jamais entendu parler de cette auteure ! C’est vrai que c’est chouette de pouvoir enchaîner les tomes, et l’envie est là pour ce roman-ci aussi mais le suspense est pas insoutenable et je trouve la fin très jolie…
Ah l’auteure a plutôt écrit de la chick lit avant, ça la change de style! 🙂