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Bluebird, de Tristan Koëgel
Résumé de l’éditeur
Elwyn est fils d’immigrés irlandais, Minnie, fille d’un chanteur itinérant noir. Ils se rencontrent dans une plantation, et tombent amoureux. Ils ont 13 ans, et ne savent pas que leur vie est sur le point de basculer. Quelques jours plus tard, en effet, Minnie assiste au passage à tabac de son père par des hommes du Ku Klux Klan. Effondrée, elle saute dans le premier train, en partance pour Chicago.
Nbr de pages : 320 / Éditeur : Didier Jeunesse
Mon avis
J’aurais tout aussi bien pu ne jamais lire ce roman, qui ne m’attirait pas plus que ça, qui a priori ne payait pas de mine. Mais comme j’aurais eu tort ! On plonge en pleine ségrégation aux côtés des noirs trimant sur une plantation tenue d’une main de fer par « le diable ». Dès les premières pages, on ressent tout le contexte comme si on y était : on entend les notes de blues, on sent le soleil qui tape, on voit les contrastes de couleurs des paysages, on veut danser et rire dans les rondes, on veut hurler sa rage à ces bonhommes bêtes et méchants, ridicules sous leurs tuniques blanches aux chapeaux pointus.
On refusait de voir les choses en noir et blanc comme c’était le cas dans les petites villes et les villages coupés en deux qu’on traversait, avec des magasins pour les Noirs et d’autres pour les Blancs, pareil pour les trottoirs, pareil pour les toilettes. Nous, on voyait les choses en bleu, et voir la vie en bleu, c’est la voir telle qu’elle est, toute entière.
J’ai de suite été emballée par l’histoire, par la jolie plume de l’auteur, pleine de poésie, par la musique qui joue presque un rôle à part entière (on swingue sur le blues des années 40 avec une playlist intégrée), par les jolies images qui nous viennent en tête, mais aussi par des scènes fortes et dures.
Le tour de force de ce roman, c’est de nous avoir là où on ne l’attend pas. Je ne m’attendais pas nécessairement à un récit à rebondissements et j’adore ça quand on me refait voir ce que je viens de lire sous un autre angle, qu’on parvient à me duper après seulement un chapitre. Le changement de narrateurs prend ici tout son sens et place sur le devant de la scène certains personnages qu’on ne pensait pas voir, afin de tout remettre en perspective.
J’ai eu très vite la gorge serrée, les poils de bras dressés et l’intime conviction que cette lecture serait belle, émouvante et éprouvante. J’ai vécu une superbe histoire aux côtés d’une panoplie de personnages tous plus attachants les uns que les autres, où la solidarité n’est pas un mot vain, où l’espoir et la joie de vivre semblent plus forts que tout.
Mon seul petit bémol, ce serait que le récit finit par s’étioler un peu, il devient un peu moins captivant, une fois passée la moitié du roman et ses quelques rebondissements. On s’installe confortablement dans l’histoire qui suit gentiment son cours, peut-être un peu trop lentement et calmement, mais l’auteur nous offre un joli final et on reste longtemps avec les images de Bluebird en tête et ses notes de musique dans les oreilles.
Quand tu joues le blues, Minnie c’est comme si tu riais et pleurais en même temps. Le blues c’est comme un tout petit nuage dans un beau ciel d’après-midi. Un petit nuage, tout fin, tout blanc, mais qui te serre le ventre, sans que tu saches trop pourquoi. Tu comprends ? Mais le blues c’est aussi comme une éclaircie qui traverse un orage ou comme une cerise juteuse sur un gâteau trop sec. Ça… Ça peut te faire rire aux éclats quand tu devrais tomber, les genoux dans la boue. Tu vois ?
Ma note : 8,5/10
Extras
Première publication : septembre 2015
Fiche Bibliomania
Retrouvez ici la playlist du roman : une superbe idée pour s’immerger deux fois plus dans l’histoire.
Je pense que c’est le premier roman des éditions Didier Jeunesse que je lis, et il va vraiment falloir que je rétablisse cette erreur. Seront donc au programme de mes lectures 2017-2018 :
– Flow
– Le Coeur en braille
– Jonah
– Sublutetia
Les Mystères de Larispem, de Lucie Pierrat-Pajot
Quatrième de couverture
Larispem, 1899.
Dans cette Cité-État indépendante où les bouchers constituent la caste forte d’un régime populiste, trois destins se croisent… Liberté, la mécanicienne hors pair, Carmine, l’apprentie louchébem et Nathanaël, l’orphelin au passé mystérieux. Tandis que de grandes festivités se préparent pour célébrer le nouveau siècle, l’ombre d’une société secrète vient planer sur la ville. Et si les Frères de Sang revenaient pour mettre leur terrible vengeance à exécution?
Nbr de pages : 272 / Éditeur : Gallimard Jeunesse
Mon avis
Ce lomanrem est lénialguche ! Quoi, vous ne comprenez pas ? C’est que vous ne connaissez pas encore l’argot des bouchers ! Je disais donc : Ce roman est génial ! Et il faut savoir souffrir la comparaison à La Passe-miroir, quand on gagne le même prix que Christelle Dabos, mais je trouve que Lucie Pierrat-Pajot ne s’en tire vraiment pas mal et j’ai plongé avec délice dans ce Paris alternatif de 1899 à la Jules Verne : une uchronie à l’univers mystérieux, original, plein de merveilles.
Après seulement quelques pages, on est baigné dans un monde énigmatique, très visuel et plein de surprises. On se pose déjà mille questions sur les personnages, leur mode de vie particulier et surtout l’univers incroyable dans lequel ils évoluent. Bienvenue dans la ville de Larispem (anciennement Paris) où la publicité est débitée dans les rues par des voxomatons, où le système postal est entièrement revu, où volent dans le ciel d’énormes dirigeables, où Jules Verne est un citoyen adulé pour ses inventions que l’on tente de rendre réalisables, où tout le monde se tutoie et jouit des mêmes droits.
L’auteure déborde d’imagination et a construit un univers unique et amusant (j’ai adoré déchiffrer l’argot « louchébem » au fil des conversations entre bouchers). Et s’il n’y a rien à redire sur l’ambiance steampunk étonnante de ce roman, on ne peut rien reprocher non plus à la construction des personnages qui sont vraiment attachants et vivent toutes sortes d’aventures passionnantes. On attend d’ailleurs avec impatience que tout se recoupe et qu’ils se trouvent enfin !
Mais il y a quand même un bémol : c’est fichtrement trop court. L’intrigue est bien lancée, on saisit déjà les futures quêtes mais pour un roman d’une telle ambition, nous laisser sur notre faim après seulement 272 pages, c’est presque criminel ! Vivement donc la suite (et je vois même plus loin : vivement une intégrale qui permettra aux nouveaux lecteurs de savourer cette aventure dans toute sa géniale dimension !).
Note : 9/10
Extras
Illustrateur (de cette superbe couverture) : Donatien Mary
Première publication : avril 2016
Fiche Bibliomania
Lucie Pierrat-Pajot est la gagnante de la deuxième édition du Concours du Premier Roman Jeunesse.
Découvrez cette géniale interview donnée lors de la remise du prix en présence de Lucie Pierrat-Pajot, Christelle Dabos, leur éditrice, une libraire et le blogueur Tom.
Oniria, de B.F. Parry
Mon résumé
Alors que son père est tombé dans un mystérieux coma, Eliott découvre, grâce à sa grand-mère, l’existence d’Oniria, le monde des rêves. Eliott aurait la faculté de s’y rendre, non pas en simple spectateur comme vous et moi chaque soir, mais en tant que Créateur. Il aura pour mission d’y retrouver le Marchand de sable, qui serait probablement au courant de la condition inhabituelle de son papa. Alors que l’état de celui-ci se détériore, Eliott va se rendre compte qu’une instance avec cet éminent membre d’Oniria n’est pas si facile à avoir, surtout quand les cauchemars deviennent de plus en plus instables.
Nbr de pages : 336 + 336 + 278 = 950 / Éditeur : Hachette
Mon avis
Garanti sans spoilers !
En refermant le premier tome, j’avais mille et une images en tête et un mot en bouche : waouh ! Un vrai coup de cœur ! Quel monde fourmillant de créatures originales, de lieux inattendus et exotiques, de situations incongrues… Eh oui, nous sommes dans le monde des rêves et tout est permis ! Créer Oniria, c’était la porte ouverte aux inventions les plus folles et on sent que B.F. Parry s’est prêtée au jeu avec beaucoup de plaisir. Elle s’en donne à cœur joie et imagine toutes sortes de rencontres et de péripéties pour son jeune et brave héros, Elliot.
C’est une sensation grisante de pouvoir créer tout ce qu’on imagine.
C’est un roman accessible pour les plus jeunes, mais cela n’empêche pas l’auteure d’avoir réfléchi en profondeur à son monde : tout se tient et les révélations trouvent toujours réponse plus loin dans l’histoire. On sourit en voyant les astuces mises en place par le marchand de sable et ses sbires pour nous endormir ; du coup, on analyse nos phases de sommeil d’une toute autre façon après avoir lu ce livre. C’est tout à fait fascinant.
Le premier tome m’a émerveillée par tous ses petits détails et la fondation même du monde des rêves. On va de surprise en surprise et on tâte un peu les possibilités d’un tel monde. Par la suite, l’intrigue va prendre de l’ampleur, les enjeux vont se dessiner et dans le troisième tome, on se retrouve au cœur de l’aventure et de l’action, dans un livre plus sombre, plus triste et plus mature.
Il avait oublié la chance qu’il avait de pouvoir apprendre. Pour les Oniriens comme Katsia et Farjo, c’était impossible. Leur Mage les créait avec un certain nombre de capacités – dont certaines pouvaient être extraordinaires, comme les facultés au combat de Katsia ou le don de métamorphose de Farjo – mais ils ne pouvaient pas en acquérir de nouvelles.
Quand on se plonge dans Oniria, on voudrait ne plus jamais devoir le quitter ! C’est le genre de livres que j’aurais rêvé découvrir pendant mon enfance mais que je suis ravie de ne pas avoir loupé pendant mon « adulescence ». Le soir, maintenant, je ne peux m’empêcher de m’endormir en pensant à Oniria et aux folles aventures qui m’y attendent !
Ma note : 9,5/10
Extras
Première publication : tome 1 – octobre 2014 / tome 2 – avril 2015 / tome 3 – octobre 2015
Fiche Bibliomania
Le 4e et dernier tome d’Oniria, sortira début novembre et s’intitulera Le réveil des fées. Mais l’auteure a encore sous le coude des idées pour un préquelle ou une suite !
Interview de B.F. Parry ici :
« Pour Oniria, tout est parti de l’idée simple d’un univers parallèle au nôtre où vivraient nos rêves et nos cauchemars. Cette idée-là est en quelque sorte « tombée du ciel » : je l’ai eue en me réveillant un matin après un rêve particulièrement mouvementé. Mais ensuite il m’a fallu près de 6 mois pour construire un univers cohérent. J’ai commencé par me renseigner, lire de la philo, de la socio, du Freud, du Jung, du Mircea Eliade, et même des articles de médecine… Je voulais que mon univers soit cohérent avec ce que l’on sait des rêves aujourd’hui. Une idée en appelait une autre, et de fil en aiguille j’ai bâti le fonctionnement d’Oniria et ses interactions avec notre monde. »
Retrouvez B.F. Parry sur la page Facebook d’Oniria, où elle est très active !
Première incursion d’Eliott à Oniria
Elia, la passeuse d’âmes, de Marie Vareille
Elia a 16 ans, elle appartient à la caste la plus élevée d’une société injuste où une partie de la population, les Nosobas, est réduite en esclavage par les plus puissants. Elle officie en tant que Passeuse d’âmes, c’est-à-dire qu’elle euthanasie tous ceux qui sont dangereux ou inutiles pour la Communauté, jusqu’au jour où un jeune homme la convainc de le laisser vivre. À partir de ce moment-là, parce qu’elle n’a pas obéi aux ordres, elle sera condamnée et devra s’enfuir et se cacher parmi les Nosobas, ce qui fera changer son regard sur le monde dans lequel elle vit.
Nbr de pages : 320 / Éditeur : PKJ
Mon avis
Je ne me serais peut-être pas retournée sur ce livre, si je ne l’avais pas eu sous la main lors d’une de mes pauses midi. Et grand (très grand) mal m’en aurait pris car j’ai adoré cette histoire ! Je n’aime pas trop les comparaisons, mais pour moi, il a tout à fait sa place parmi les grands du genre, parmi les dystopies qui marquent vraiment, qui font vraiment réfléchir tout en restant assez subtiles pour se fondre dans un cadre hors du temps, dans un univers taillé de toutes pièces avec originalité. J’ai retrouvé les mêmes émotions et la même addiction ressenties lors de mes lectures de Hunger Games ou Divergent, et pour moi, ça veut déjà tout dire ! (Bref, je viens de faire ce que je n’aime pas faire, mais c’est pour que vous sachiez l’ampleur de mon enthousiasme.)
On retrouve bien sûr les canevas du genre, avec des castes, des dirigeants qui s’en foutent plein la panse pendant que d’autres triment dans les mines 7 jours sur 7 pour contenter le beau monde, on se prend en pleine figure les injustices d’un régime aberrant, et au milieu de tout ça, va naître une héroïne, une jeune femme pas comme les autres, qui va petit à petit ouvrir les yeux sur son quotidien. Rien de bien nouveau sous le soleil, allez-vous me dire… Mais ça fonctionne diablement bien et on oublie tout ce qu’on a déjà pu lire pour se laisser porter par Elia et par son univers. Et pour changer des dystopies ou YA traditionnels, ici on ne retrouve quasiment pas de romance et ça ne fait pas de mal, laissant plus de place à l’univers, à l’action et à l’ambiance.
J’ai vraiment tout aimé dans cette histoire, mais par-dessus tout, c’est l’univers qui m’a séduite. Un univers finement décrit et totalement immersif qui a d’ailleurs donné du fil à retordre à l’auteure (voir interview ci-dessous) ! Moi, je lui tire mon chapeau. Et voici un aperçu des découvertes qui vous attendent : dans ce monde imaginaire, on croise les puissants Kornésiens, les Askaris qui s’occupent du commerce et les Nosobas, marqués d’un grand N sur le bras pour qu’on repère d’un seul coup d’œil les rebuts de la société. On peut y devenir Passeur d’âmes, ces « médecins » qui, sans état d’âme, euthanasie toutes les personnes qui ne sont plus utiles à la communauté (les vieux, les infirmes, les dangereux, etc.). On peut s’engager au Conclusar, qui forme les Défenseurs ou travailler comme un forcené dans les mines de Phosnium, la nouvelle énergie du siècle. On peut facilement s’acheter de la Redmoon, cette drogue supposée augmenter les capacités physiques. On peut vivre comme un miséreux dans le Dédale, cette ville souterraine pleine de ramifications où peu savent s’y repérer. Bref, Marie Vareille a créé tout un décor pour ses personnages et on le découvre avec merveille.
Règle 1 : les êtres humain ne naissent pas libres et égaux en dignité et en droit. Chacun a pour devoir envers la communauté de respecter sans la questionner, la place qui lui est attribuée en fonction de sa naissance. […]
Règle 2 : la communauté est tout, l’individu n’est rien. Il ne sert qu’à faire prospérer la société dans son ensemble. Chacun a été créé pour une raison. […]
Règle 3 : l’ordre est l’essence du bonheur. Le respect absolu des règles est la base du bien commun, tout écart des commandements d’Hubohn représente un pas vers la destruction de la communauté et sera puni comme tel. […]
Règle 4 : pour éviter la propagation de maladies impures au sein des castes supérieures, tout contact physique entre deux membres de classes différentes est strictement interdit.
D’ailleurs, ce roman est très visuel : on vit chaque scène dans sa tête comme si on y était, tant les descriptions des lieux sont vivantes, tant les personnages sont crédibles. J’imagine aisément ce livre devenir un nouveau succès cinématographique, après la case best-seller en librairie. En tout cas, c’est tout ce que je lui souhaite (ou alors, je garde ce petit coup de cœur rien que pour moi, j’hésite encore).
Je pensais avoir affaire à un tome unique et je me disais que c’était une bonne chose, que ça changeait. Et puis j’avançais dans l’histoire et je pestais déjà de voir l’histoire toucher à sa fin trop vite, j’en voulais encore, j’imaginais déjà une terrible et longue destinée pour Elia. Et là je me rends compte sur le net qu’en fait, oui, ce sera une trilogie. Joie ! Le roman se termine de très jolie façon et on ne peut s’empêcher de retourner lire le premier chapitre qui nous annonçait déjà cet ultime revirement de situation. Je suis donc ravie de savoir que je pourrai retrouver Elia dans un an et que son histoire est loin d’être finie. En plus, le prochain tome risque d’être des plus palpitants, étant donné le futur changement de cadre ! J’ai déjà hâte !
Ma note : 9,5/10
Extras
Première publication : mai 2016
Fiche Bibliomania
Marie Vareille est née en 1985 et tient un très chouette site, où elle dispense de nombreux bons conseils liés à l’écriture.
Interview de Marie Vareille ici :
L’univers développé dans Elia est très creusé. Où avez-vous puisé votre inspiration pour le construire et le rendre si palpable et crédible ?
L’univers est ce qui ma donné le plus de fil à retordre. Jusqu’ici je n’avais écrit que des romans contemporains et je n’avais jamais imaginé que ce serait aussi complexe de créer un univers imaginaire et pourtant j’ai adoré l’exercice. C’est bête, mais dans un roman contemporain, c’est facile de rendre une scène visuelle, qu’on la situe dans une soirée, un café à un cours de gym ou dans un supermarché, le lecteur visualise tout de suite l’environnement car ce sont des endroits qui font partie de son quotidien. Dans un nouvel univers, il faut tout réinventer, depuis les vêtements, jusqu’au matériaux de construction en passant par la nourriture, les cours enseignés à l’école, les moyens de transports, de communiquer, la monnaie, les lois etc. Pour tous les éléments je suis partie de la réalité.
Comment est née Elia ?
À Châtelet-Les Halles à une heure du matin, j’ai croisé une toute jeune fille qui marchait d’un pas vif, la tête rentrée dans les épaules, comme si elle fuyait. Elle portait un bonnet qui dissimulait complètement ses cheveux à l’exception de quelques mèches rousses. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a interpellée. Je me suis demandée où elle allait, j’ai commencé à m’imaginer qu’elle sortait d’une clinique où on euthanasiait les gens, qu’on l’appelait la Passeuse d’âmes et qu’elle était obligée de se cacher parce qu’elle était rousse… C’est une habitude pour moi de commencer perpétuellement des histoires en fonction des lieux ou des gens que je croise, la plupart n’ont jamais de suite, mais quand une histoire se rappelle plusieurs fois à mon souvenir, c’est qu’il faut que je l’écrive.
Phobos, de Victor Dixen
Résumé de l’éditeur
Six prétendantes.
Six prétendants.
Six minutes pour se rencontrer.
L’éternité pour s’aimer.
Il veulent marquer l’Histoire avec un grand H.
Ils sont six filles et six garçons, dans les deux compartiments séparés d’un même vaisseau spatial. Ils ont six minutes chaque semaine pour se séduire et se choisir, sous l’œil des caméras embarquées. Ils sont les prétendants du programme Genesis, l’émission de speed-dating la plus folle de l’Histoire, destinée à créer la première colonie humaine sur Mars.
Nbr de pages : 448 + 496 = 944 / Éditeur : Robert Laffont – Collection R
Mon avis
Garanti sans spoilers !
Quel plaisir de découvrir un livre aussi haletant et de pouvoir enchaîner directement avec le tome 2 ! Il ne m’a fallu que quelques pages pour m’immerger dans ce roman de science-fiction prometteur.
Le découpage est intéressant et participe au suspense : on suit à la fois les prétendants dans le vaisseau vers Mars, les organisateurs du jeu sur Terre et un jeune garçon mystérieux qui va se retrouver mêlé à toute cette histoire. On découvre tout de suite qu’il y a quelque chose de louche avec ce concept hyper-novateur de téléréalité sur Mars et on apprend tout aussi vite qu’il y a de fait un énorme problème. Nous, lecteurs, devenons complices des organisateurs du jeu, tandis que les prétendants ne le découvriront qu’à la fin du roman. On pourrait penser que cela ôte une partie du suspense, mais cela donne au contraire une autre dynamique et le roman n’en est pas moins prenant.
Seul petit bémol : à force de faire des allers-retours entre la Terre et l’espace, on rate plein de choses du trajet de 5 mois de nos héros. J’aurais voulu être avec eux au quotidien et voir de plus près leurs relations se développer, découvrir chaque rendez-vous amoureux filmé et retransmis partout sur les écrans, de jour comme de nuit. Les passages sur Terre sont primordiaux pour comprendre tous les tenants et aboutissants et faire évoluer l’intrigue, mais je m’y ennuyais parfois et ne souhaitais qu’une chose : remonter vite fait dans l’espace !
Victor Dixen a vraiment réalisé un coup de génie avec cette idée originale : on y sent en filigrane une critique de la téléréalité et de l’apologie du pognon à tout prix, au mépris de tout bon sens, de la surmédiatisation.
Il y a encore tant de choses que nous pourrions acheter, et rentabiliser à notre manière: les écoles, les hôpitaux publics… Imaginez, des plages de publicité obligatoires pendant les cours, dès la maternelle ! Des émissions de téléréalité sur les malades en phase terminale, avec dernier souffle en direct ! Il y a énormément d’argent à se faire, en mettant à contribution les bambins jusqu’aux vieillards.
Et pourtant, l’auteur se calque sur ce qui fonctionne si bien avec ce genre d’émissions et nous rend accros aux moindres coups d’éclat de nos jeunes prétendants. Chacun a un secret, chacun a ses failles et on a beau tomber parfois dans le mélodramatique, on attend avec un certain voyeurisme de découvrir tout ce qu’ils cachent. On ne vaut finalement pas mieux que ces téléspectateurs collés à leur écran, qui ne leur laissent pas un moment de répit dans leur intimité. Et pour ça, je trouve que c’est vraiment bien joué !
Le tome 1 nous laisse avec un goût de trop peu : on veut savoir la suite, on veut savoir quelle tournure va prendre ce voyage futuriste, malgré le fait qu’on connaisse certains secrets depuis le départ. J’ai donc enchaîné avec la suite, qui malheureusement fait un peu retomber l’excitation avant de nous relancer à nouveau au cœur de la tension. Mais une chose est sûre, la fin du tome 2 nous laisse vraiment pantois : cette révélation-là, on ne s’y attendait pas, et nom de dieu, j’aurais dû attendre la sortie du tome 3 ! Vivement novembre 2016 !
Ma note : 9/10
Extras
Première publication : tome 1 – juin 2015 / tome 2 – novembre 2015
Fiche Bibliomania
Deuxième essai gagnant avec Victor Dixen, un auteur à suivre, assurément ! Retrouvez aussi mon avis sur Animale.
Deuxième essai gagnant aussi avec la Collection R qui mérite amplement son succès grandissant. Je ne compte pas m’arrêter là comme en témoigne ma lecture en cours :
La 5e vague !
Sortie de Phobos 3 : novembre 2016
Sortie de Phobos – Les Origines : juin 2016
(dossiers sur les 6 prétendants masculins à lire avant, pendant ou après la saga)
Le Domaine, de Jo Witek
Gabriel accompagne sa mère embauchée pour l’été comme domestique dans la haute bourgeoisie. Les marais et les kilomètres de landes qui entourent le domaine sont une promesse de bonheur pour ce jeune homme passionné de nature et d’ornithologie. Pourtant, dès son arrivée, il se sent mal à l’aise et angoissé. Le décorum et l’atmosphère figée de la demeure déclenchent chez lui des pulsions incontrôlées de colère, de désir, de jalousie. Et quand les petits-enfants des propriétaires débarquent, avec parmi eux la belle et inaccessible Éléonore, Gabriel ne maîtrise plus rien de ses émotions. Désormais, c’est eux et surtout elle qu’il observe à la longue-vue. Désormais, le fils de la domestique est prêt à tout pour se faire aimer car il est fou d’elle. Jusqu’à la mettre ou se mettre lui-même en danger…
Nbr de pages : 336 / Éditeur : Actes Sud junior
Mon avis
Forte de ma super expérience avec Un hiver enfer, le précédent roman de Jo Witek, je me suis lancée sans hésitation dans son nouveau roman noir. J’espérais y retrouver la même tension et une chute finale aussi inattendue. Sur ces deux points, je ne peux pas vraiment me considérer déçue, mais il m’a clairement manqué d’autres ingrédients pour vraiment apprécier ce roman.
Nous suivons cette fois Gabriel, un ado de seize ans, grand solitaire, amoureux de la nature et passionné d’oiseaux. C’est un héros intéressant, très (trop ?) mature pour son âge, et du coup, un peu en marge. Il se retrouve dans ce grand domaine, avec des landes à perte de vue : a priori l’endroit rêvé pour cultiver sa passion. Nous le suivons donc dans ses expéditions, ses découvertes, ses observations ; on passe énormément de temps seul avec lui à observer les beautés de la forêt et le vol des oiseaux. Et à moins d’être nous-mêmes des aficionados de la nature, on perd rapidement intérêt.
Ce qui n’aide pas, c’est la mise en situation assez longue et peu palpitante. Il faut attendre une bonne centaine de pages avant l’arrivée de l’élément déclencheur, l’arrivée du personnage qui va tout faire chavirer. Pourtant, on sent bien cette atmosphère sombre et un peu glauque, chère à l’auteure, qui se met doucement en place et joue presque le rôle d’un personnage à part entière… Mais ça manque quand même singulièrement d’action. Et il faut encore attendre cent autres pages pour que ça remue un peu et enfin plonger dans le cœur de l’histoire et discerner les premiers signes du thriller que l’on attendait avec avidité.
Paradoxalement, c’est un roman que j’ai dévoré. J’avais vraiment envie de savoir ce que Jo Witek avait préparé pour son final. On sent tout au long du roman qu’elle va nous retourner le cerveau et ça n’a pas manqué. Du coup, je ne ressors pas déçue de ma lecture, mais je m’attendais à un « vrai » thriller, quand il ne s’agit finalement « que » d’une histoire d’amour de vacances tumultueux entre deux jeunes, avec leurs faiblesses, qui se découvrent et se dévoilent… jusqu’à quelques pages de la fin.
Je n’aurais jamais cru dire ça, mais j’espérais quelque chose d’un peu plus « conventionnel », un bon page-turner sombre et inquiétant avec les codes avérés du thriller. Jo Witek s’essaie à une autre forme de roman noir et c’est d’ailleurs son objectif : elle voulait casser cette « notion d’efficacité du thriller » et revenir à « une forme plus classique ». J’ai découvert cette ambition dans une très bonne interview après ma lecture (voir ci-dessous) et du coup, ce roman prend tout son sens… Jo Witek a réussi son pari et son roman correspond tout à fait à ce qu’elle voulait en faire. C’est juste que je ne m’y attendais pas et je me suis retrouvée un peu à côté de la plaque pendant l’histoire, en attente de ce côté « efficace » d’un thriller. Mais ce n’est que partie remise, car je reste en admiration devant sa plume, l’ambiance de ses romans, la finesse de ses personnages. Prochain arrêt : Peur express.
Ma note : 6,5/10
Extras
Première publication : mars 2016
Fiche Bibliomania
Interview de Jo Witek ici :
Le Domaine se place dans la continuité de vos précédents thrillers et pourtant le malaise s’installe plus lentement, par petites touches. Quel a été votre parcours d’écriture pour ce nouveau roman ?
Pour Le Domaine, j’ai voulu revenir à une forme plus classique, plus descriptive, remettre en cause cette notion d’efficacité du thriller, ce fameux “turn page”, souvent très attendu des lecteurs. J’ai creusé le sillon, me méfiant de mes automatismes, mais aussi de ceux véhiculés par notre mémoire commune du cinéma noir. Je souhaitais un roman décontextualisé, qui reviendrait aux sources du genre, le macabre et le romantisme. Je me suis replongée avec délice dans les romans gothiques anglais comme Les Mystères d’Udolphe d’Ann Radcliffe ou au coeur du romantisme cruel d’Emily Brontë dans Les Hauts de Hurlevent. J’avais envie d’un héros sensible, pur, romantique, un garçon cheminant dans une nature aussi fascinante qu’inquiétante, où se jouerait une situation tout à fait moderne, mais dans un contexte hors du temps. Dans ce domaine, immense propriété forestière au milieu d’hectares de Landes, il n’y a pas de nouvelles technologies. Pas de réseau, pas d’ordi, peu de téléphones. Je me débarrasse de tout cela pour me concentrer sur ma situation : un héros débarque dans un milieu social très supérieur au sien, une nature de plus en plus angoissante, et de nouveaux sentiments le submergent : des colères, des jalousies, des désirs… C’est vraiment un héros contemporain parce qu’il n’a pas les règles du jeu de la société dans laquelle il est forcé d’évoluer. Pour moi, écrire un thriller c’est faire un pacte avec le lecteur : vous allez vous perdre, avoir peur et je vous promets que vous ne devinerez pas le dénouement avant la fin. Cette fois, j’ai accepté de moins construire l’action en amont, de me perdre moi aussi dans les Landes, quitte à rebrousser chemin plusieurs fois ! C’était assez angoissant et en même temps jubilatoire.
U4 : Koridwen, d’Yves Grevet
Mon résumé
Le virus U4 a tout ravagé sur son passage. Il ne reste plus que des adolescents de 15 à 18 ans, livrés à eux-mêmes dans un monde qu’ils ne reconnaissent plus. Quelques-uns gardent pourtant espoir, suite à un mail de Khronos, le maître d’un célèbre jeu en réseau, leur donnant RDV à Paris pour sauver le monde en remontant le temps. Koridwen fait des rêves étranges liés à ce fameux rendez-vous. Elle décide de partir pour Paris avec son cousin à bord d’un tracteur et de voir par elle-même ce que le destin lui réserve là-bas.
Nbr de pages : 362 / Éditeur : Nathan & Syros
Mon avis
Deuxième round pour la saga U4 ! J’avais passé un agréable moment avec Yannis, mais j’avais tout de même quelques réserves. Dans ce nouvel opus, j’espérais lire quelque chose de différent, qui ne serait pas redondant par rapport au tome sur Yannis, et qui m’apporterait certains éclairages sur l’univers, mais surtout sur ce fameux rendez-vous visant à remonter le temps pour sauver le monde. Et je ne suis pas déçue !
Mais j’avais beau avoir apprécié ma lecture de Yannis, deux mois plus tard, je n’avais pas particulièrement envie de me replonger dans l’univers d’U4. J’ai donc commencé ma lecture de Koridwen un peu à reculons. Mais très vite, cette héroïne a pris toute la place et j’ai découvert une histoire très différente de ce que j’avais déjà pu lire dans le tome précédent. Pas de longueurs cette fois, et une vraie dynamique qui donne envie d’engloutir les chapitres !
Koridwen est une battante, pleine de ressources et très attachante. Tout comme Yannis, elle réfléchit beaucoup, se remet en question, analyse ses sentiments et ses actes. Tous ces moments de relâche, de réflexion sont aussi intéressants que les rebondissements où la tension est palpable. Mais surtout, Koridwen a un secret. Elle aurait hérité des pouvoirs de guérisseuse de sa grand-mère, sa Mamm-gohz bretonne, qui veille sur elle et l’aiguillonne vers sa destinée à coups de signes et de symboles. Koridwen serait en fait la clé de l’histoire. On s’attache à elle, même si son histoire est difficile à croire… et pourtant petit à petit, on finit comme elle par croire qu’un retour dans le passé serait possible. Jusqu’au grand final.
J’ai aimé découvrir la culture bretonne, qui est presque un personnage à part entière de ce roman. L’autre point fort, c’est le personnage de Max, le cousin de Koridwen, dont elle décide de s’occuper. Max a un petit retard mental et va tour à tour nous émouvoir et nous agacer, ne réagissant pas toujours aux événements comme Kori le souhaiterait.
Si vous ne devez lire qu’un tome, choisissez celui-ci. Si vous souhaitez lire les 4 romans, gardez celui-ci pour la fin. Toute l’histoire semble reposer sur les épaules de Koridwen et toutes nos questions trouvent ici réponses. Le grand final tant attendu dans le tome sur Yannis a bien lieu cette fois et je ne regrette pas du tout cette nouvelle plongée dans cette histoire. Je pense avoir fait une très bonne pioche en lisant ces deux tomes d’U4 dans cet ordre : d’abord le questionnement avec Yannis, le point de vue masculin, très humain, le road-trip à travers la France, puis les réponses avec Koridwen, la situation à Paris, les nombreuses rencontres qui enfin nous mènent au rendez-vous du 25 décembre.
Note : 8/10
Extras
Première publication : août 2015
Fiche Bibliomania
Mon avis sur U4 : Yannis
Je découvre Yves Grevet avec ce roman, alors que ça fait très longtemps que j’ai envie de découvrir ses autres titres : Méto et Nox.
Découvrez la même histoire de base vue par les autres protagonistes :
Stéphane (de Vincent Villeminot), Jules (de Carole Trébor) et Yannis (de Florence Hinckel).
Nous, les enfants sauvages, d’Alice de Poncheville
Une fois la drôle de bête glissée dans son sac, Linka songea qu’elle allait peut-être s’attirer de gros ennuis. L’article 1 était explicite : toute personne en contact avec une vie non humaine devait l’éliminer. C’était ainsi depuis que l’épidémie de PIK3 avait décimé la population et provoqué l’abattage de tous les animaux du pays.
Non humaine, la bête l’était assurément, mais de quel animal s’agissait-il ? Même dans les vieux documentaires animaliers qu’on leur montrait à l’orphelinat, Linka n’avait jamais croisé ce drôle de poisson aérien qui changeait de forme à volonté. Elle l’avait appelée «Vive » et, malgré la surveillance constante dont elle faisait l’objet, la jeune fille était parvenue à la cacher.
Avec Vive à ses côtés, Linka se sentait étrangement plus forte et capable d’affronter les menaces qui l’entouraient : Mme Loubia et le professeur Singre, prêts à« reconditionner » Linka au moindre faux pas ; les Brigades vertes et les Fantassins, toujours à l’affût des déserteurs et des rebelles ; et ce mystérieux Docteur Fury, un vagabond qui cherchait à récupérer Vive…
Nbr de pages : 408 / Éditeur : Ecole des Loisirs
Mon avis
Voilà un des livres qui me tentaient le plus parmi la déferlante de nouveautés de cette rentrée littéraire. Je pensais bien ne pas me tromper en misant sur une dystopie qui, dès le résumé, me proposait un vrai ton, un univers mystérieux plein de tabous et une si jolie maîtrise des liens entre humains et animaux.
Et de fait, voici une dystopie comme je n’en avais encore jamais lue, poétique et réfléchie. Alice de Poncheville nous pousse à toutes sortes de questionnements sur notre monde, notre lien à la nature, nos tendances à choisir la solution de facilité, à ne pas considérer les choses de plusieurs points de vue. Elle nous propose d’avoir un autre regard sur notre façon de vivre avec ce roman qui est surtout une petite fable écologique et philosophique, servie par une plume magnifique.
Elle tenta d’imaginer à quoi ressemblait l’époque où l’on consommait de la viande. Tuer des animaux pour les manger lui paraissait d’une violence inouïe. Cependant, elle prit subitement conscience d’un paradoxe : aujourd’hui, on ne les tuait plus, mais ils n’existaient plus. Valait-il mieux qu’ils existent, bien que ce fût pour être mangés ? Un autre paradoxe la fit réfléchir : depuis la disparition des animaux d’élevage, l’air était beaucoup plus sain. Il fallait se rappeler qu’avant l’arrivée du PIK3 la pollution liée à l’élevage des bêtes et à la culture de leur nourriture dépassait de loin la pollution des voitures et des usines. C’était un fait. Mais la vie… Linka se demanda si l’on ne pouvait pas trouver un moyen de laisser la place aux animaux, à la vie même, sans rien lui demander en échange.
Mais il a malheureusement aussi un gros défaut : il manque cruellement de rythme. Il y a de nombreux passages pleins de risques et d’aventures, et pourtant cela manque de rebondissements, de suspense. On se pose en spectateur de cette société contrôlée, de ces vies un peu fades, de ce début de soulèvement, sans en faire vraiment partie, comme si l’auteure voulait nous tenir un peu à distance. On a beau s’attacher aux trois jeunes héros, qui nous racontent tour à tour leur vie et leur vision de ce monde à l’agonie, on ne souffre pas vraiment avec eux. Pourtant, tout y est : mystère, réflexion, écriture, personnages charismatiques, originalité, aventures. Peut-être manque-t-il le liant ? Peut-être cette distanciation est-elle voulue ? Peut-être…
Il n’empêche que j’en garde un beau souvenir, de cet hymne à la nature. Ce n’est pas le genre de livres qu’on dévore, avide de connaître le fin mot de l’histoire, mais on ressort grandi de cette lecture qui nous parle de valeurs, de respect et de responsabilités.
Ils restèrent un instant enlacés, puis se séparèrent, comme ivres. Les embrassades étaient devenues si rares qu’on en sortait vacillant.
Note : 7,5/10
Extras
Première publication : septembre 2015
Fiche Bibliomania
Inteview d’Alice de Poncheville sur le blog Les trois brigands :
« Comment vivez-vous le travail d’écriture ?
C’est un grand voyage. On entre dans un monde, on est en conversation avec ses personnages. On est dans la retranscription de ce monde intérieur, dans un flux de pensée. Quand j’écris un livre, le monde qui est dans ma tête me protège du reste.«
La Passe-miroir, de Christelle Dabos
Résumé de l’éditeur
Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l’Arche d’Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. À quelle fin a-t-elle été choisie ? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d’un complot mortel.
Nbr de pages : 528 + 560 = 1088 / Éditeur : Gallimard Jeunesse
Mon avis
Garanti sans spoilers !
Joie ! Délice ! Jubilation ! Voilà ce que l’on ressent quand on lit la Passe-miroir et qu’on se délecte de cet univers richissime, plein de détails et de surprises, qu’on se lie d’amitié avec toutes sortes de personnages plus farfelus et épatants les uns que les autres. Bref, cette saga géniale file tout droit dans mes coups de cœur et je vous invite grandement à la découvrir par vous-même ; vous ne serez pas déçus !
On dit souvent des vieilles demeures qu’elles ont une âme. Sur Anima, l’arche où les objets prennent vie, les vieilles demeures ont surtout tendance à développer un épouvantable caractère. Le bâtiment des Archives familiales, par exemple, était continuellement de mauvaise humeur.
Tout dans cette histoire prête à l’émerveillement. Les premiers chapitres nous plongent dans un monde éclaté constitué d’arches et de familles gigantesques aux pouvoirs surprenants. La jeune Ophélie peut lire le passé des objets (qui deviennent parfois de vrais personnages à eux tout seuls tant ils sont influencés par les émotions de leur propriétaire) ou passer à travers les miroirs pour se rendre d’un endroit à un autre. Sa vie bascule lorsqu’elle est forcée d’épouser un homme froid et énigmatique et de quitter son arche pour le Pôle et sa cour, où fourmillent toutes sortes de complots, d’alliances et de meurtres. Pas facile de distinguer le vrai du faux dans une arche où les puissants peuvent créer des illusions phénoménales, cachant aux yeux de tous la réalité.
– La cour ! souffla Roseline en grattant le papier de sa plume. Un bien joli mot pour désigner une grotesque scène de théâtre où les coups de poignard se distribuent dans les coulisses.
Une fois embarqués à la Citacielle avec Ophélie, on ne lâche plus le livre. Christelle Dabos a un vrai talent de conteuse et qu’est-ce qu’elle écrit bien ! Elle insuffle à son histoire plein de mystère et distille les réponses au compte-goutte : à chaque fin de chapitre, on a envie d’enchaîner, d’en savoir plus. Mais surtout, on est sans cesse surpris par la tournure des événements, l’auteure nous entraîne là où on ne s’y attend pas et ça, qu’est-ce que c’est bon ! Sans parler de la multitude de personnages inventés, qui apportent chacun un petit plus. On a beau ne pas savoir sur quel pied danser avec eux, je les adore tous, que ce soit Thorn, l’intrigant fiancé d’Ophélie, Archibald, l’ambassadeur coquin et frivole, ou les tantes Bérénilde et Roseline, froides aux premiers abords mais qui nous touchent en plein cœur au fur et à mesure qu’on découvre leur fragilité.
C’est une saga aboutie, réfléchie, fascinante. On reprend sa lecture, en fin de journée avec avidité. C’est comme se glisser dans un cocon moelleux, dans lequel on sait qu’on va passer des heures délicieuses à se prélasser. Voilà ce que je ressens chaque fois que je me replonge dans la Passe-miroir. C’est rare que j’enchaîne un tome 2 directement à sa sortie, mais là impossible de résister tant j’aurais aimé que le tome 1 ne s’arrête jamais… Les deux romans sont aussi remarquables l’un que l’autre ; on continue de découvrir le monde des arches et toutes ses subtilités, avec de nouvelles intrigues, de nouveaux questionnements et encore plus d’interactions entre Ophélie et Thorn (miam miam !).
Quelle horreur quand je pense qu’il faudra encore attendre des mois, peut-être des années avant la suite… Mon conseil sera donc : lisez cette saga ! Mais attendez peut-être quelques années qu’elle soit achevée. Non allez qu’est-ce que je raconte, foncez !
Note : 9,5/10
Extras
Première publication : tome 1 – juin 2013 / tome 2 – octobre 2015
Fiche Bibliomania
Christelle Dabos prévoit 4 romans pour sa saga.
Ses inspirations : Marcel Aymé, J.K. Rowling, Philip Pullman,
Hayao Miyazaki, Alice au pays des merveilles.
Lieu de résidence : La Belgique !
« J’ai grandi sur la Côte d’Azur, mais je vis actuellement en Belgique, un pays qui m’inspire énormément pour écrire : la pluie, les maisons, les gens… La Passe-miroir est née ici. »
(suite de l’interview par Vavi ici)
U4 : Yannis, de Florence Hinckel
Mon résumé
Le virus U4 a tout ravagé sur son passage. Il ne reste plus que des adolescents de 15 à 18 ans, livrés à eux-mêmes dans un monde qu’ils ne reconnaissent plus. Quelques-uns gardent pourtant espoir, suite à un mail de Khronos, le maître d’un célèbre jeu en réseau, leur donnant RDV à Paris pour sauver le monde en remontant le temps. Yannis n’a plus rien à perdre et décide de quitter Marseille avec son fidèle chien, Happy, pour se rendre à ce fameux RDV.
Nbr de pages : 401 / Éditeur : Nathan & Syros
Mon avis
Alors, qu’en est-il de ce fameux phénomène de la rentrée, projet ambitieux à huit mains ? De mon point de vue, l’idée de ces 4 romans se liant et se répondant est vraiment originale et surtout, elle fonctionne bien. Après avoir lu une de ces histoires, l’envie de découvrir les autres est bien présente. Car on ne veut pas en rester là. On veut avoir des réponses aux questions qui perdurent, on voudrait assembler toutes les pièces du puzzle. À la fin de cette première histoire, il reste encore de nombreux points d’interrogation, mais ça tombe sous le sens ; il faut bien titiller la curiosité et pousser le lecteur vers les trois autres versions de ce monde qui dépérit.
Florence Hinckel a trouvé le bon équilibre entre action et temps mort, entre moments de réflexion et tension. Mais surtout, elle parvient à nous décrire un héros attachant, avec de jolies valeurs. Un héros dans lequel on se glisse facilement et qu’il est agréable de suivre, autant à travers les courses poursuites que ses périodes d’introspection et ses analyses du monde et des personnes qui l’entourent.
Si le concept apporte un vrai plus, il n’en reste pas moins que l’univers proposé (le virus qui ne touche qu’une tranche d’âge, le régime totalitaire qui tend à s’imposer, l’apocalypse qui pousse les humains à retourner à leur état le plus primaire, etc.) n’a rien de bien innovant. On ressent aussi quelques longueurs, et au final, je n’ai pas été tenue en haleine par ce périple à travers la France. Mais surtout, il me semble difficile de gober que nos héros soient aussi vite convaincus qu’un saut dans le passé pour sauver le monde soit possible… À croire que l’abus de jeux vidéo peut véritablement endommager le cerveau… ? 😉 Blague à part, cette petite touche de fantaisie qui est quand même l’élément déclencheur de base me semble un peu légère. Je comprends tout à fait qu’une réunion de joueurs offre une dernière lueur d’espoir à des jeunes démunis, livrés à eux-mêmes, sans but. Mais de là à vraiment croire qu’on peut remonter dans le temps… Mouais.
En bref, j’ai passé un moment agréable avec Yannis, malgré quelques réserves. Pour moi, un roman ne suffit pas à bien saisir l’ampleur du phénomène U4 et je compte bien découvrir prochainement un deuxième roman. Mais lequel choisir ? Stéphane pourrait apporter un éclairage intéressant sur certains rebondissements, mais j’ai un peu peur de l’effet redondant tant les deux personnages sont étroitement liés pendant les trois quarts de l’histoire. Je compte plutôt découvrir la version de Koridwen, que j’ai à peine eu le temps de rencontrer. Avec elle, qui croit dur comme fer au rendez-vous de Khronos et au voyage dans le passé, tout s’éclairera peut-être et nous aurons peut-être droit à une autre fin, qui répondra aux quelques interrogations soulevées dans ce livre-ci.
Je vous en dirai donc bientôt plus et je saurai si après deux romans, l’histoire tend à s’essouffler ou si l’envie de découvrir les 4 points de vue est bien là.
Note : 7,5/10
Extras
Première publication : août 2015
Fiche Bibliomania
Découvrez la même histoire de base vue par les autres protagonistes :
Stéphane (de Vincent Villeminot), Jules (de Carole Trébor) et Koridwen (d’Yves Grevet).
Deux gouttes d’eau, de Jacques Expert
Mon résumé
Antoine est le coupable tout désigné pour le meurtre abominable de sa petite amie, mais c’était compter sans son jumeau, Franck. Ils sont la copie parfaite l’un de l’autre, partagent le même ADN et la même maladie, l’adermatoglyphie, l’absence d’empreintes digitales. Ils s’accusent mutuellement et il ne semble y avoir aucun moyen de les départager. Un vrai cul-de-sac pour le divisionnaire Robert Laforge, chargé de cette enquête.
Nbr de pages : 336 / Éditeur : Sonatine
Mon avis
Un thriller traitant de la gémellité, ça m’a évidemment tout de suite attirée. Les histoires de jumeaux, cette relation si particulière, ce lien psychique même, je trouve ça passionnant. Cet aspect du livre m’a beaucoup plu et j’ai adoré démêler le vrai du faux dans les témoignages contradictoires des deux frères. Cette enquête met vraiment nos nerfs à rude épreuve et on ne sait pas qui croire… Par contre, du côté des investigateurs, on est moins gâté : aucun personnage n’est attachant, ils se répètent beaucoup trop, ça traîne, ça manque de dialogues savoureux, c’est un peu plat. Dommage.
Dès le départ, le coupable est identifié et amené au poste. On se démarque alors des débuts classiques d’une enquête où l’on recherche des suspects et des témoins. En effet, toutes les preuves accablent Antoine. La plus flagrante étant qu’il a été surpris par une caméra de surveillance avec l’arme du crime. Cette erreur paraît tellement énorme pour un meurtrier que le lecteur se demande très vite si cette erreur n’est pas voulue. Franck se serait-il volontairement poster devant une caméra pour mieux accabler son jumeau ? D’autres hypothèses tout aussi vraisemblables viendront sauter aux yeux du lecteur durant sa lecture : les deux frères sont-ils complices ? Antoine a-t-il en fait tout prévu pour retourner la situation et faire emprisonner son frère à sa place ?
Mais finalement, les spéculations s’arrêtent assez rapidement car les possibilités ne sont pas innombrables : le coupable ne peut être qu’un des deux jumeaux ou les deux. L’enquête tourne en rond pendant un peu plus de 300 pages autour de ces trois hypothèses. De plus, le postulat de base semble un peu exagéré : tout est mis en œuvre pour rendre cette enquête impossible. Le fait qu’il soit absolument impossible de différencier les deux frères, qu’ils aient le même ADN et qu’en plus, ils n’aient pas d’empreintes digitales. La situation parfaite pour commettre un meurtre, c’est vrai, mais est-ce vraiment crédible ?
Jacques Expert utilise à merveille le sujet de la gémellité et s’intéresse à tous ces liens que peuvent tisser de vrais jumeaux monozygotes. Entre Franck et Antoine, on sent très vite que quelque chose cloche, que leur relation est trop fusionnelle ou, au contraire, que leur union est amenée à les détruire. C’est assez bouleversant de voir comment se forge ce lien d’amour, mais parfois aussi de haine. Grâce à plusieurs flash-back, on parvient à mieux cerner Franck et Antoine ; on y découvre leur adolescence mouvementée qui s’est terminée de façon dramatique. On suit cette lente descente aux enfers, la terreur des parents face à des jumeaux presque diaboliques, les ruses et coups bas qu’ils manigancent à tout-va, jusqu’au point de non-retour.
Ce thriller se lit vraiment vite, tant on veut savoir : « le coupable est-il Franck ou Antoine ? ». Dans un dernier face-à-face inattendu, tout va se régler, mais à qui cette dernière machination va-t-elle profiter ? Une fin que je n’ai pas vu venir et relativement bien culottée ! On râle ou on applaudit, à vous de voir…
Note : 7,5/10
Extras
Première publication : janvier 2015
Fiche Bibliomania
Jacques Expert est le premier auteur français à être publié aux éditions Sonatine et il en est ravi !
Jacques Expert est un grand amateur de faits divers. Cette idée de scénario est inspirée d’une échauffourée entre deux bandes en Amérique. Un homme avait été poignardé, la scène filmée et un coupable inculpé. Mais le jumeau de celui-ci étant également présent ce soir-là, la police n’avait eu aucun moyen d’accuser un jumeau ou l’autre. Les deux avaient été acquittés.
Source
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Challenge ABC 2015 organisé par Nanet
N° 6 dans le challenge ABC 2015 – Lettre E
La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel, de Romain Puértolas
Providence est facteur, jolie, toujours pressée, mais seule. Quand elle fait la rencontre de Zahera, un petite marocaine malade, c’est le coup de foudre. Une fois les papiers d’adoption dans la poche, elle décide d’aller rejoindre sa petite fille à Marrakech pour l’emmener à Paris où elle pourra être traitée dans un hôpital de pointe. Mais c’est compter sans un nuage de cendre qui cloue tous les avions au sol. Qu’à cela ne tienne, Providence ne jette pas l’éponge et est prête à soulever des montagnes pour rejoindre Zahera, même d’apprendre à voler comme un oiseau.
Nbr de pages : 256 / Éditeur : Le Dilettante
Mon avis
Romain Puértolas poursuit son petit bonhomme de chemin et ne change pas une recette qui marche : un titre à rallonge, des couleurs vives, des personnages haut en couleur, une fable contempo-humoristiquo-fantastique, des événements complètement absurdes et un humour explosif. Les fans du fakir seront sans aucune doute à nouveau comblés (du moment où ils n’espéraient pas quelque chose de différent) et les autres pourront découvrir une histoire tout aussi folle, mais avec la petite pointe d’émotion qui pouvait parfois manquer dans le roman précédent.
On retrouve ce qui avait fait le succès du fakir : des réflexions sur le monde qui ne tourne pas rond, sur les rêves qui méritent d’être réalisés, des petites moralités sur le fait que la joie de vivre et l’espoir peuvent nous porter loin, le tout avec un ton toujours décalé et plein d’humour. « La petite fille qui avait avalé un nuage… » (j’espère que Romain Puértolas n’a rien contre les points de suspension car avec des titres pareils, il est voué à ne plus jamais les voir en entier !) est donc une jolie fable émouvante et amusante, assez similaire à celle du fakir finalement. Il essaie d’aborder des thèmes intéressants à coups d’humour, et même s’il est loin d’aller au bout des choses dans les débats qu’il lance, il a le mérite de mettre le doigt sur plusieurs choses qui méritent réflexion.
Par contre, on retrouve aussi ses blagues à deux balles que j’ai du mal à trouver comiques. Entendez-moi bien : oui j’ai ri et oui j’ai souri, mais au rythme de « une blague par ligne », on finit par ne plus retenir que ce qui ne fait pas rire… Le comique de répétition ne doit pas fonctionner formidablement sur moi, parce que trop, c’est trop : une même blague ne peut pas me faire rire 15 fois de suite. Bref avec cet humour parfois too much, ça passe ou ça casse…
Mais si j’ai trouvé ce roman moins comique que celui du fakir, celui-ci m’a beaucoup plus touchée. J’ai été très émue par cette histoire de jeune factrice tombée sous le charme de la petite Zahera, atteinte de la mucoviscidose. Les passages concernant cette petite fille, pleine de rêves et d’envies, qui se bat jour après jour, sont vraiment très beaux, émouvants et nous tirent des sourires mi-navrés mi-amusés. Elle est pleine d’esprit et vraiment attendrissante ; pour moi c’est la force de ce roman.
Attention tout de même : que les cartésiens et réfractaires au fantastique s’éloignent de ce livre, car on y suit quand même une jeune femme persuadée de pouvoir s’envoler comme un oiseau et… qui y parvient. On baigne dans la fantaisie du début à la (presque) fin, et on vire même souvent à l’absurde avec des vêtements tricotés avec du fromage. J’avoue que même pour moi, c’est parfois trop gros pour passer sans un froncement de sourcils, mais je vous rassure, tout s’explique à la fin. Une fin que j’ai d’ailleurs beaucoup aimé !
Note : 7,5/10
Extras
Première publication : janvier 2015
Fiche Bibliomania
Vous l’aurez remarqué, l’auteur aime les couleurs et compte bien créer dans nos bibliothèques un vrai arc-en-ciel. D’ailleurs, c’est à lui qu’on doit la conception de la couverture ! (infos recueillies lors d’une rencontre)
Mon avis sur L’extraordinaire voyage du fakir…
Petit conseil de l’auteur : toujours bien lire les épigraphes 😉
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Challenge ABC 2015 organisé par Nanet
N° 2 dans le challenge ABC 2015 – Lettre P
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Challenge Petit Bac organisé par Enna
Mesure : grand