Chronique du soupir, de Mathieu Gaborit

Chronique du soupir, de Mathieu Gaborit

Mon résumé

Lilas, une naine, tente de se remettre de la mort de son mari dans les bras d’un elfe. Lorsque sa fée la prévient qu’un danger plane sur son auberge, Lilas est prête à tout. Mais quel choc de voir débarquer Saule, son fils, avec une humaine sur le dos. Il est pourchassé par les gardes de la Haute Fée, qui veut récupérer la jeune fille, coûte que coûte. Jusqu’où Lilas ira-t-elle pour protéger son fils, et Brune, cette humaine dont elle ne connaît rien ?

 

Mon avis

J’ai poussé un soupir de plaisir en me plongeant dans ce roman original, époustouflant, où chacun vit avec une fée à la place du cœur, où les nains répondent à l’appel de l’Ancrage et se transforment en statues, où l’univers est découpé à travers les Lignes-Vie. Je ne m’y connais pas très bien en Fantasy, mais j’ai vraiment trouvé dans le début de ce roman tout ce que j’y cherchais. Mais dans le début seulement, malheureusement.

 Mathieu Gaborit fait l’impasse sur de longues descriptions et introductions, et nous entraîne directement dans le vif du sujet. On découvre les personnages sur le tas, de même que leur histoire et le monde dans lequel ils évoluent. On pourrait se sentir un peu perdu, mais tout est tellement intriguant que les pages défilent et les explications arrivent à point.

J’ai de suite été emballée par les trouvailles, les idées originales de l’auteur, par l’univers qu’il a créé. Les nains côtoient les elfes, les sirènes et les humains, et tous ont besoin du souffle pour vivre. Ce souffle qui émane de la fée qui se loge à la place de leur cœur, un souffle qu’ils peuvent plus ou moins commander et qui possèdent certaines vertus magiques.

 Il me semblait donc que ce roman avait tout pour me plaire, hélas, après une centaine de pages, j’ai laissé échapper un soupir de frustration. Chacun des personnages m’avait interpellé, cachant un petit quelque chose d’énigmatique et d’intéressant. Ils étaient très prometteurs, mais pouf bada boum, un est faible, sans consistance, un autre se révèle complètement égoïste et manipulateur, alors qu’un troisième disparaît simplement du roman. Quel dommage ! Au final, aucun n’a su me plaire, je ne me suis pas attachée à eux, ils ne m’ont pas ému, ils m’ont même semblé assez fades et parfois incohérents.
L’histoire, quant à elle, si originale et ingénieuse, s’essouffle un peu, perd de sa cohérence. L’alternance des points de vue de chaque personnage par chapitre n’existe plus. Il y a un flou qui embrume le roman qui m’a perdue petit à petit. Du potentiel, il y en a, c’est indéniable, et si certaines scènes ou quelques personnages avaient été plus travaillés, ils auraient pu être grandioses ! Et puis, Gaborit a une belle plume, assez poétique et raffinée.

« Je m’ennuie. Je veux aller chercher l’horizon pour le tordre dans mes doigts comme une corde. Y faire des nœuds, lui faire cracher ses promesses, ses fantasmes. Je suis un esclave et je rêve de liberté. Je suis un loup de mer et je rêve d’un voyage sans fin. »

 En refermant le livre, j’ai lâché un petit soupir de déception. J’en attendais tellement de ce livre, de ce monde extraordinaire, savamment mis en place. Le flou qui plane sur ce roman semble être volontaire, mais j’ai hélas besoin d’explications plus concrètes, de personnages fouillés, qui nous révèlent tous leurs secrets. Je peux comprendre que Gaborit ait voulu laisser planer le mystère, qu’il ait eu envie de laisser aux lecteurs le soin d’imaginer à leur guise le reste de l’histoire. J’accepte de ne pas tout comprendre, et j’ai essayé de me laisser emporter par l’histoire telle que l’auteur la voyait. Mais après un moment, ça n’a plus fonctionné, j’ai eu besoin de plus, de déceler le pourquoi d’une relation si forte entre deux personnages, le comment d’une mort inattendue.

 Cette lecture change de tout ce que j’ai pu lire jusqu’ici. J’en veux un peu à Mathieu Gaborit de m’avoir déçue après m’avoir tant donné, pendant la lecture des cents premières pages. Moi qui partais si confiante, je me suis perdue dans des passages flous, qui n’ont pas toujours de raison d’être, qui sortent parfois de nulle part. Je n’ai pas détesté cette lecture, loin de là, mais j’ai eu un manque, une attente inassouvie.

 Note : 5,5/10

J’ai lu ce livre en lecture commune avec : Phooka, Kamana, Chica Nessita, Archessia, Vozrozhdenyie, Elise, Lelf, Hécléa et Mallou.

Extras
Première publication : septembre 2011
Fiche Bibliomania
Nombre de pages : 298 (assez court pour de la Fantasy)

C’est le mois de Mathieu Gaborit sur Book en Stock !
Vous avez encore quelques jours (jusque fin février) pour aller lui poser des questions.
Voici un petit aperçu de son interview :

Lors des festivals, que préférez vous ? Les conférences ou bien les dédicaces ?
Timide, je redoute les conférences à tel point qu’il m’arrive de ne plus rien faire au fur et à mesure que la date approche. Une fois plongée dedans, je vis cela sans problème. L’avant, en revanche, est un enfer. Les dédicaces, c’est un moment délicat. Parfois d’une tendresse infinie, souvent chaleureux. On ne mesure pas à quel point cela peut vous donner confiance en vous au même titre qu’une journée ratée (vous signez peu) peut vous fissurer. […] Je ne connais rien de plus violent (et, pour autant de parfaitement légitime) qu’un passant dans un festival qui s’arrête pour lire la quatrième de couv’ de l’un de vos bouquins avant de la reposer avec un air embarrassé (pour les plus sensibles) ou indifférent. A mes yeux, quoi qu’il arrive, un bouquin trouvera ses lecteurs s’il le mérite.
Est ce qu’il vous arrive de relire vos romans et de vous rendre compte que vous aviez « oublié » tel ou tel détail ? Ou pas ? Ou vous ne les lisez pas ?
Voilà un moment que je ne relis plus mes romans pour deux raisons principales. La première, et non des moindres, c’est cette tentation sulfureuse de vouloir tout réécrire. C’est un syndrome que j’ai déjà évoqué et que je laisse sans regret derrière moi. La vie est trop courte.
La seconde, c’est une nécessité vitale de purger son imaginaire, de tourner la page et de noyer ses fantômes pour laisser la place aux suivants. Quand vous passez plusieurs mois avec des personnages, vous leur accordez une place de choix. Vous vivez avec eux du matin au soir. C’est une sollicitation latente, une immersion, une impudeur. Quand je pose le mot « Fin », je le pose pour de bon, pour mon histoire et pour moi. C’est le seul moyen de revenir à une forme de virginité pour laisser le roman d’après exister.
Que ressentez vous lorsque vous lisez des articles positifs ou négatifs ? Est ce que vous tenez compte des compliments que l’on vous fait et des choses que l’on peut vous reprocher ?
Oui, bien sûr, je lis tous les articles qu’on veut bien me signaler. Par curiosité malsaine, masochisme ou gourmandise, c’est selon… Ce que je ressens ? Cela peut éclairer une journée, parfois même vous encourager à écrire. D’autres fois, cela peut vous miner et vous couper les ailes. Avec le temps, on prend du recul, tout de même. L’armure est bosselée mais elle se renforce chaque année un peu plus. Un peu de bouteille vous aide à relativiser. C’est la règle du jeu de toute façon. A compter du moment où vous créez pour être lu/vu/etc., vous acceptez nécessairement d’être critiqué ou apprécié mais oh grand jamais vous n’en tenez compte. Non, franchement, c’est impossible. Du moins dans le détail. Pour créer, il faut une conviction, une vision plus ou moins forgée. Si demain il fallait s’imprégner des critiques, il n’y aurait plus qu’un espace de consensus mou et schizophrénique. On peut s’imprégner des remarques qui deviennent récurrentes, on peut en tirer des leçons mais la critique, à mes yeux, est là pour guider les lecteurs. Pas l’auteur.
Il y a dans ce roman, des personnages incroyablement passionnants qu’on ne fait que croiser en 3 pages lors d’un chapitre et qu’on ne revoir jamais (tel cet elfe chasseur aveugle). C’est frustrant pour le lecteur qui sent tout le potentiel d’un tel personnage. Pourquoi ne pas en avoir développé plus certains ? Y a-t-il une volonté d’être terriblement elliptique (dans le sens où vous levez parfois le voile sur des choses qu’on imagine extraordinaires pour le laisser retomber aussitôt) ?

Toujours cette trajectoire suspendue, cette petite balle onirique que je laisse au lecteur le soin de rattraper ou de laisser retomber. Soupir marque certainement la limite. Jusqu’ici, je n’avais jamais été aussi économe dans mes explications. J’ai conscience d’une frustration mais le jeu en vaut la chandelle. Dans la frustration dont vous parlez, il y a le présupposé d’un désir d’en savoir plus. Infime ou avéré, ce désir amorce nécessairement votre machine à rêve. Cela ne durera peut-être qu’une fraction de seconde, peut-être un peu plus mais le désir, lui, a existé et ce qui importe le plus à mes yeux.
Au même titre qu’on peut trouver une femme habillée bien plus désirable qu’une femme nue, je suis convaincu que le rêve suit la même logique. Dépouillé, expliqué, disséqué, il perd en mystère et le désir, précisément, s’étiole.

J’ai également beaucoup aimé l’illustration de la couverture. Une question que je me pose souvent : les auteurs ont ils un droit de regard sur la couverture de leurs livres ? Ou est-ce la maison d’édition qui décide ?

Tout dépend de la maison d’édition. En règle générale, l’auteur est consulté. Parfois même invité à discuter avec l’illustrateur. D’autres fois, il n’a pas voix au chapitre.

Didier Graffet et moi, nous nous connaissons depuis longtemps. Lorsque j’ai vu la couverture, je me souviens avoir douté (indépendamment de la beauté avérée de cette illustration). Je la trouvais trop intime, presque trop « steampunk ». A présent, je pense que Didier a eu raison de la représenter ainsi. Pour deux raisons : la première, c’est que j’aime qu’un illustrateur confirmé puisse livrer son propre regard et interpréter votre histoire avec son propre background. C’est souvent l’occasion d’être surpris, troublé. La seconde, c’est que cette couverture « parle », qu’elle raconte une histoire au premier coup d’œil sans choisir la facilité.

Je remercie le blog Book en Stock et les éditions Le pré au clercs pour ce partenariat.
 

Publié le 27/02/2012, dans Fantasy, et tagué , , . Bookmarquez ce permalien. 8 Commentaires.

  1. Décidément, vu le nombre d’avis peu enthousiastes que je vois sur ce roman, il n’est pas près de finir dans ma bibliothèque ! Dommag,e la couverture est quand même vach’ment belle ^^

  2. J’aime beaucoup ta chronique ! C’est un plaisir à lire (plus que le livre ? =D )
    Tu résumes pas mal mon avis, même si apparemment j’ai un chouilla plus aimé que toi =) Et comme les autres, j’aime ton intégration des soupirs à ton avis ❤

    • @ Lelf , Kamana, Phooka, Heclea, Archessia : Je n’avais pas encore eu le temps de vous répondre, mais je voulais vous dire un petit merci pour vos commentaires. ils m’ont fait bien plaisir car j’ai essayé de faire une chronique sympa qui reflete assez ce que j’avais ressenti, et apparemment j’ai réussi 🙂
      À refaire les filles !

  3. Comme c’est joliment dit, tu résumes parfaitement la situation je trouve 😉

  4. J’adore ta chronique..et ses soupirs!
    C’est un roman étrange et qui clairement ne peut pas plaire à tous, mais permet de bien discuter pendant une LC! 🙂

  5. Tes soupirs sont top ! Très fun comme avis, chapeau. Le livre certes une déception mais ton avis un réel plaisir 🙂
    J’espère qu’on pourra recommencer ^^

  6. Hihi, j’adore le « pouf bada boum » et tes « soupirs » en gras. J’avoue que j’aurais bien aimer caser un peu d’humour dans ma chronique mais j’ai eu peur que ça soit pris de façon un peu agressive :/
    Par contre tu vois, la citation que tu fais, pour moi c’est joli mais c’est très artificiel. Une phrase que je n’ai pas gardée dans ma chronique, c’était que le personnage qui pense ce genre de belle chose on le verrait bien se tourner vers le large, cheveux aux vents, regard mélancolique, resserrant le châle en laine sous la morsure du froid. Bref, un peu mélo-cucul, je n’accroche pas non plus même si je reconnais que c’est joli.
    Contente d’avoir partagé cette lecture avec toi 🙂

  7. Tu n’es pas la seule à être déçue par ce livre. Je pense que je ne lirai pas ce livre-ci pour découvrir l’auteur.

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